L'ACEN dit non au projet de pont à Salin de Giraud et signe ce communiqué qui réunit tous les amoureux de la Camargue

PROJET DE PONT EN REMPLACEMENT DU BAC DE BARCARIN

UN COLLECTIF CAMARGUAIS ALERTE LES POUVOIRS PUBLICSSUR UN DANGER MAJEUR EN CAMARGUE

Madame, Monsieur,

La Camargue est la dernière coupure verte du littoral méditerranéen enserré entre les zones fortement industrialisées de Fos, Port-de-Bouc, et Berre à l’Est, et les zones dédiées au tourisme de masse de Port Camargue, du Grau du Roi et de la Grande Motte à l’Ouest. Rappelons que la décision de préserver l’espace naturel Camarguais entre ces deux pôles de développement a été actée en 1966 par le Ministre de l’aménagement du territoire, Mr Olivier Guichard. Cette vocation environnementale a depuis été confirmée par les divers statuts et mesures de protection dont elle bénéficie, à l’échelle internationale -zone Natura 2000, convention de Ramsar, Réserve de Biosphère de l’UNESCO – comme nationale – Réserves Naturelles, Parc Naturel Régional, arrêtés de protection de biotope….

La situation de ce territoire naturel exceptionnel, destination prisée à l’international pour un tourisme durable et respectueux de l’environnement, qui se veut « un bout du monde si proche », est notamment possible grâce au mode de franchissement du Rhône adapté qu’est le bac de Barcarin à Salin-de-Giraud.

 

 

Le département des Bouches-du-Rhône qui finance le Bac à 95% ne souhaite plus en supporter le coût, et a planifié la construction d’un pont routier en 2028 pour le remplacer. Le projet est justifié sur la seule base d’une économie financière, et l’impact désastreux pour la Camargue n’a absolument pas été évalué, encore moins évité. La pseudo « consultation publique » nous dit que « la majorité des riverains » veulent le pont, et cette affirmation est mensongère ou pour le moins erronée en ce
sens qu’elle occulte l’avis de la grande majorité des habitants du territoire desservi par cet ouvrage. Nous dénonçons le refus de prendre en compte les avis de la population. Le projet est soutenu par une minorité d’usagers du territoire concerné, qui souhaitent plus de souplesse dans l’organisation de leurs déplacements. Ceci invalide l’utilité publique de l’ouvrage.

Nous, les acteurs économiques du territoire, les habitants, les fédérations d’éleveurs de taureaux et chevaux (AECRC, Association Maison du Cheval Camargue), les agriculteurs, les chasseurs (ADCGE13), les associations de riverains (AREV, APCR, Dessine-moi la Camargue), les associations de défense de l’environnement (ACEN, France Nature Environnement 13, NACICCA, Agir pour la Crau, Ligue de défense des Alpilles), la Réserve Naturelle Nationale, la fondation de la Tour du Valat, le Parc ornithologique du Pont de Gau, l’association Patrimoines culturels immatériels de Camargue, sommes unis pour nous opposer à ce projet aux conséquences désastreuses, et pour demander aux pouvoirs publics de mener une réelle consultation et prendre vraiment en compte les avis des acteurs du territoire potentiellement impacté par cet équipement.

  • Le département 13 n’a pas étudié sérieusement la possibilité de réduire les coûts du bac. Pourtant des solutions existent : le passage du bac en législation fluviale et non maritime diviserait les coûts par deux, les bacs peuvent être modernisés et plus écologiques (biocarburants, électricité, ou autres solutions). Une délégation de service public allègerait la contrainte financière pour le département des Bouches-du-Rhône. Le maintien d’un bac quel qu’il soit préserverait les emplois.
  • L’étude de trafic ne prend pas en compte les nouveaux modes de transport de marchandises par véhicules légers de moins de 3,5 tonnes d’Europe de l’Est, rémunérés à la course et cherchant à réduire leurs coûts. Ceux-ci adoptent des comportements non modélisables par les algorithmes existants. Le Grand Port Maritime de Marseille et le terminal FOS 2XL réceptionnent de plus en plus de conteneurs, notamment en provenance d’Asie (800 000 EVP2 /an). Le pont permettrait donc à ce flux colossal de marchandises de transiter désormais par la Camargue, mais aussi par les routes départementales du département voisin du Gard, département Camarguais de cœur.
  • L’étude de trafic ne prend pas en compte le flux des déplacements routiers entre les métropoles de Marseille et de Montpellier qui par la Camargue éviteraient les bouchons réguliers sur Arles et le péage.
  • La construction du pont n’entre dans aucun Projet de Territoire, et l’interpellation sur cette question depuis 2018 par la Fondation de la Tour du Valat est restée sans réponse.
  • Absence également de prise en compte de l’impact du réchauffement climatique malgré l’interpellation du Département depuis plusieurs années sur cette question ; absence de prise en compte des préconisations du SDAGE (schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux) en matière d’adaptation des nouvelles infrastructures aux effets du changement climatique.
  • Aucune mention des impacts sur la sécurité publique : ce nouveau passage serait grandement favorable aux trafics de stupéfiants qui ne pourraient pas être contrôlées par la douane3 sur cet axe, ainsi qu’aux divers trafics.
  • La population n’est pas informée de l’impact général sur son cadre de vie (habitants de Salinde-Giraud, des hameaux ruraux, des mas disséminés en Camargue).
  • Le projet ne mesure pas l’arrivée du tourisme de masse ainsi permis vers la Camargue. Les zones naturelles limitrophes étant déjà saturées de visiteurs (Estaque ou Parc National des Calanques à Marseille). La traversée du Rhône par le bac est un « voyage » qui matérialise l’entrée dans ce territoire sauvage. Tous les efforts financiers réalisés depuis des décennies par les acteurs privés pour proposer un accueil touristique personnalisé, de qualité, et respectueux de la nature seraient compromis, ainsi que les actions des services publics en ce sens (« Charte Européenne du Tourisme Durable », marque « Valeurs Parc Naturel Régional »).
  • Le projet ne prend pas en compte la pression foncière du probable devenir de « ville dortoir » que serait Salin-de-Giraud pour les personnes travaillant à Fos ou Port-de-Bouc. Ni la pression foncière générée sur tout le delta de Camargue.
  • Une fréquentation démesurée de la Camargue et ses conséquences sur les écosystèmes, en particulier sur le sanctuaire de migration des oiseaux qu’est le delta, n’est pas prise en compte. Sur 500 espèces d’oiseaux recensées en France, plus de 400 transitent ou séjournent en Camargue.

Sur la base de ces constats, nous alertons formellement la Communauté Européenne, le Ministère de la Transition Ecologique, le Ministère de l’Intérieur, le Ministère de L’Agriculture et de l’Alimentation, la Région Sud Provence-Alpes-Côte-d’Azur, le Conseil Départemental des Bouchesdu-Rône, les Mairies d’Arles et de Port-Saint-Louis-du-Rhône, le Parc Naturel Régional de Camargue, l’Autorité environnementale et les pouvoirs publics en général sur le danger d’une atteinte irrémédiable à la Camargue, patrimoine mondial, que représente ce projet mal ficelé.

Nous demandons de maintenir un franchissement du Rhône de façon durable par un bac au fonctionnement amélioré, et d’aider au financement associé, car il est compréhensible que le Département des Bouches-du-Rhône seul ne puisse en assumer le coût. Les contribuables français et européens, amoureux de cette terre préservée, pourraient appuyer une démarche écologique qui leur permettra de venir en Camargue se reconnecter à une nature de plus en plus rare, extrêmement précieuse à leurs yeux, et aux yeux de leurs enfants.

1 Communauté Européenne, Ministères de l’Intérieur, de la Transition Ecologique et de l’Agriculture et de l’Alimentation Français, Conseil Départemental des Bouches-du-Rhône, Région Sud Provence-Alpes-Côte-d’Azur, Mairies d’Arles et de Port-Saint-Louis-du-Rhône, Parc Naturel Régional de Camargue, Autorité environnementale.

2 Conteneurs « Equivalent Vingt Pieds ».

3 Source : administration douanière, Paris