Projet de contournement autoroutier d’Arles

Si le fuseau « Sud Vigueirat » du projet de contournement autoroutier d’Arles ne fait que tangenter le périmètre du Parc puisqu’il en avait été tenu compte lors de la révision de la Charte en 2010, il traverse et impacte néanmoins plusieurs sites Natura 2000 et la Réserve de Biosphère de l’Unesco révisée et étendue en 2016.

Des compléments d’études environnementaux, hydrauliques et fonciers ont été menés en 2019 sur le fuseau pour la relance du projet.

Les scénarios alternatifs ayant moins d’incidences que celui de la variante « Sud Vigueirat » ont été à nouveau étudiés par le maître d’ouvrage suite aux demandes lors des réunions de concertation, mais de manière superficielle.

En premier lieu, le CSEPRB déplore que cette démarche de réactualisation et de concertation menée en 2019 et 2020 comporte de sérieuses lacunes dans les études environnementales. Il regrette notamment que :

  • les organismes scientifiques , nombreux et compétents à travailler en Camargue, n’aient pas été sollicités en amont des inventaires complémentaires alors qu’ils ont capitalisé de longue date des données naturalistes sur les milieux naturels concernés ;
  • le cahier des charges et les protocoles des études portées par la DREAL n’aient pas été partagés avec le groupe de travail sur les impacts environnementaux, malgré sa demande ; 
  • les documents préparatoires à la phase de concertation dans les ateliers thématiques sur les sujets dont les experts étaient amenés à débattre n’aient pas été suffisamment complets ; 
  • l’absence d’accès à l’étude coût-bénéfice ayant produit les chiffrages utilisés dans le tableau de synthèse ne permet pas d’apprécier les critères et hypothèses de travail qui ont sous-tendu l’évaluation finale ; 
  • les solutions alternatives ont été écartées sans analyse comparative sérieuse quant aux incidences sur l’environnement, notamment sans véritable inventaires faunistiques et floristiques sur les autres tracés et avec des analyses d’impact parfois imprécises et contestables ;
  • les périodes des inventaires des différents groupes de faune et de flore réalisés en 2019 ne permettent pas d’avoir une vision objective des enjeux environnementaux à l’échelle d’une année biologique ; 
  • le bureau d’études ne semble pas en capacité de fournir ses objectifs de prospections et la méthodologie utilisée pour réaliser les inventaires sur les différents groupes ; 
  • certaines parcelles à fort enjeux (clôturées et pâturées par les taureaux) n’ont pas été prospectées, car les manadiers n’ont pas été contactés ; 
  • certaines conclusions sont erronées, telle l’affirmation de la baisse de la population de Cistude d’Europe sur le fuseau sans argumentation ni démonstration scientifique.

L’approche bibliographique et l’approche par type d’habitat naturel sont absentes de la présentation des inventaires. Il n’est pas de ce fait possible d’en saisir la stratégie, les protocoles et les objectifs précis. Cela conduit à envisager des lacunes de compétence sur certains groupes pourtant très importants en termes d’enjeux faunistiques (pas de recherches d’exuvies pour les odonates, ou de CMR pour la Cistude d’Europe par exemple).

Le Conseil scientifique et d’éthique du Parc naturel régional de Camargue et de la Réserve de Biosphère de Camargue souhaite porter à la connaissance du comité syndical du parc naturel régional et du syndicat mixte pour la protection et la gestion de la Camargue gardoise son avis négatif en l’état sur l’ensemble des variantes proposées à concertation au sein du fuseau « Sud-Vigueirat ».

En effet, ce projet lui semble incompatible avec la Charte du Parc naturel régional de Camargue et les principes de développement durable du programme MAB de l’UNESCO pour de nombreuses raisons:

  • Les incidences non-évitées et parfois non compensables sur des habitats et espèces d’intérêts communautaires, et notamment sur des habitats d’intérêt communautaire prioritaires tels les laurons, cladiaies et autres tourbières méditerranéennes. Le projet conduit à un niveau d’incidences élevé sur les habitats et espèces d’intérêt communautaire du site Natura 2000 « Marais de la Vallée des Baux et marais d’Arles » FR 9301596. Il sera à cet égard nécessaire, conformément à l’article 6 de la Directive Habitats, de solliciter l’avis de l’Union Européenne qui considère généralement l’évitement comme impératif dans ce type de situation.

  • L’impact paysager et sonore d’une autoroute d’une telle envergure, avec les rehaussements nécessaires à la transparence hydraulique de l’ouvrage portant atteinte à un joyau de biodiversité et à un patrimoine naturel et culturel remarquable à l’échelle internationale, dont témoigne notamment le statut de Réserve de Biosphère de l’UNESCO.

  • La dégradation de la connectivité écologique et l’incompatibilité avec le SRCE et le SRADDET qui identifient la zone des marais de Meyranne et des Chanoines comme un enjeu prioritaire de connectivité écologique entre les grands ensembles Camargue-Crau-Alpilles dans un contexte ou la RN 113 a déjà été identifiée comme un point noir de rupture de connexions écologiques pour les chiroptères notamment (cf travaux du LIFE CHIROMED).

  • L’incompatibilité avec les engagements climatiques de l’État. La justification et l’amortissement du coût carbone de ce projet reposent sur l’hypothèse d’une augmentation constante de la circulation des véhicules (+0,4 % par an pour les camions) pour les décennies à venir, alors que l’État s’est engagé, dans le cadre des Accords de Paris, à atteindre la neutralité Carbone d’ici 2050, avec une réduction de 40 % par rapport aux émissions de 1990 dès 2030. L’urgence est à la réduction de la circulation des véhicules personnels et des camions en privilégiant des politiques ambitieuses en termes de report modal, particulièrement sur le fret, et de développement des mobilités douces et collectives. Il est probable que l’augmentation significative de la capacité routière entraîne une augmentation à terme du trafic de transit, (notamment entre l’Italie et l’Espagne) et que même si les problèmes de congestion et de pollution s’améliorent sur l’agglomération d’Arles, d’autres nuisances quantitativement plus importantes sont à craindre en amont ou en aval du secteur concerné.

Par ailleurs, le CSEPRB s’étonne de l’absence d’étude des effets cumulatifs potentiels (en terme d’impacts environnementaux et de trafic) des deux nouveaux ouvrages de traversée du Rhône programmées dans les 10 prochaines années (pont du contournement autoroutier et pont de Salin en remplacement du bac de Barcarin), par les maîtres d’ouvrages respectifs de ces ouvrages (DREAL et Conseil départemental des Bouches du Rhône).

Le CSEPRB alerte enfin sur la fragilité juridique d’un tel projet qui risque de le rendre impossible en l’état, ce qui induira un risque de statu quo de la situation actuelle pourtant indéniablement insatisfaisante en termes de pollution atmosphérique et de risques d’accidents au droit de l’agglomération d’Arles en particulier.